Les nuits sont devenues longues, remplies d’angoisse. Dans plusieurs familles, des chaises vides témoignent de disparitions récentes. Leur seul tort ? Porter un tatouage. Dans cette ville du Nord-Kivu secouée par l’instabilité militaire depuis la présence du M23, un simple dessin corporel peut désormais coûter la liberté, voire la vie.
Une nuit, deux fils, et plus de nouvelles
« Lors du dernier bouclage qui s’était fait dans les zones longeant l’aéroport de Goma, mes fils ont été emportés juste parce qu’ils avaient des tatouages. Ils ne sont ni bandits, ni militaires. Depuis ce jour-là, nous n’avons pas de leurs nouvelles. On avait dit qu’ils sont détenus à l’assemblée provinciale, mais quand on s’y est rendu, on nous a refusé de les voir. Ça nous fait très mal. Que ces militaires revoient leurs stratégies », confie une mère, les larmes retenues.
Depuis plusieurs semaines, des opérations dites de « sécurisation » ont lieu dans les quartiers populaires. Des jeunes hommes tatoués sont systématiquement interpellés, souvent sans explication ni justification. Certains sont conduits vers des destinations inconnues, d’autres seraient enrôlés de force par des factions armées. Les familles, elles, vivent dans l’ombre, sans information, sans recours.
Le tatouage comme bouc émissaire
Alors qu’ailleurs il est perçu comme un signe artistique, spirituel ou identitaire, le tatouage est devenu à Goma un marqueur de suspicion. Une stigmatisation injuste selon de nombreux acteurs sociaux, qui y voient une atteinte grave aux libertés individuelles.
« Le tatouage n’est pas un crime. Ce qui l’est, en revanche, c’est de priver une jeunesse déjà vulnérable de sa dignité, de sa liberté et de son avenir au nom d’une guerre dont elle n’est pas responsable. », dénonce un défenseur des droits de l’homme ayant requis l’anonymat.
« Il est temps de replacer la justice et la raison au cœur de l’action publique. Il est temps d’écouter les cris silencieux de ces familles brisées par l’arbitraire. Il est temps de redonner à la jeunesse de Goma sa place dans la République : celle de bâtisseur et non de bouc émissaire », poursuit-il, visiblement indigné.
Un plaidoyer pour la justice
Au-delà de la mode, le vrai débat est celui des droits humains. Jusqu’à quand une apparence pourra-t-elle servir de preuve ? Et combien de jeunes devront encore disparaître avant que l’on distingue enfin le citoyen du criminel, le style personnel du signe d’appartenance militaire ?
Tant que le silence dominera et que la peur dictera la loi, chaque tatouage portera la marque d’un danger non pour la société, mais pour celui qui le porte.
La Rédaction

