Dans les coulisses de la ville de Goma, désormais sous l’autorité du mouvement rebelle M23, des voix s’élèvent parmi les travailleurs de l’assainissement. Oubliés des discours officiels, ils dénoncent des conditions de travail dégradantes, des salaires inexistants et une exploitation systémique qui contraste avec les montants faramineux prélevés auprès de la population locale.
Employés par des associations et organisations locales, ces agents s’activent au quotidien pour maintenir un semblant d’hygiène dans une ville déjà fragilisée par l’insécurité. Pourtant, ils affirment ne recevoir ni reconnaissance ni rémunération digne.
« Nous sommes engagés dans le service d’assainissement avec le M23, mais jusqu’à ce jour, nous n’avons touché aucun salaire. Rien du tout », témoigne l’un des agents, usé par des mois d’efforts vains.
Leurs tâches sont éprouvantes : curage des caniveaux, ramassage des déchets, nettoyage des artères publiques… mais pour une paie journalière dérisoire de 2 000 à 3 000 francs congolais bien loin du minimum vital. Et quand il s’agit d’évoquer une éventuelle rémunération mensuelle, ce sont des menaces qui leur sont opposées.
« Nous sommes intimidés dès qu’on parle de nos droits. Pourtant, chaque jour, nous contribuons à collecter des recettes. Où part tout cet argent ? », s’interroge un autre travailleur.
Selon plusieurs témoignages concordants, une partie importante de ces fonds collectés par le biais de taxes locales serait transférée de manière opaque au Rwanda, pays accusé de soutenir le M23. Cette fuite des ressources irrite les agents, qui y voient une forme d’asservissement.
« On nous parle de libération, mais ce que nous vivons, c’est de l’exploitation pure et simple », fustige un agent sous couvert d’anonymat.
Le paradoxe est d’autant plus flagrant que deux sociétés, Vision Net et Shap, continuent de percevoir mensuellement des taxes d’assainissement obligatoires allant de 2 à 5 dollars par ménage, selon les communes. Ces redevances, censées financer les mêmes services fournis par la mairie de Goma, installent un flou administratif que dénoncent plusieurs observateurs.
Dans une ville déjà secouée par la précarité, la peur et les tensions liées à l’occupation, ces travailleurs de l’ombre poursuivent malgré tout leur labeur. Balais à la main, bottes au pied, ils nettoient les rues dans l’indifférence générale, espérant que leurs revendications finiront par être entendues.
Mais tant que la confusion régnera sur la gestion des ressources locales et que les libertés seront muselées, leur calvaire risque de rester enfoui sous les ordures qu’ils ramassent.
Rédaction

