Goma : des foyers brisés par la guerre du M23

Au cœur de la capitale provinciale du Nord-Kivu, la guerre du M23 continue d’étendre son ombre sur la vie quotidienne. Si les combats se déroulent à des dizaines de kilomètres, les répercussions se font sentir jusque dans les ruelles de Goma, où de nombreuses familles vivent aujourd’hui dans la peur, la faim et la séparation.

Des foyers disloqués par la peur et la précarité

Dans les quartiers Katoyi, Majengo et Mugunga, les histoires se ressemblent : des foyers éclatés, des pères absents, et des mères laissées à elles-mêmes. La guerre du M23, en bouleversant l’économie locale, a fait s’effondrer le fragile équilibre familial de milliers de ménages.

« Mon mari est parti à Butembo depuis trois mois. Il disait qu’il irait vendre des planches pour qu’on puisse payer la scolarité des enfants. Depuis, je n’ai plus de ses nouvelles. Parfois, je me dis qu’il ne reviendra pas », murmure Chantal Mumbere, installée dans une maison à moitié inachevée à Mugunga.

De nombreux hommes quittent ainsi leurs foyers, poussés par la misère, la peur ou le sentiment d’impuissance. Certains disparaissent sans laisser de trace, d’autres se réfugient dans les zones jugées plus sûres, au prix d’un exil incertain.

« On ne fuit pas par lâcheté, mais parce qu’ici, on n’a plus rien. Même le petit commerce que j’avais a disparu », témoigne Safari Mateso, ancien vendeur de charbon, rencontré près du marché Virunga.

Le poids de la survie au quotidien

À Lac Vert, à la périphérie de Goma, les familles déplacées improvisent des abris de fortune. Les ONGs distribuent de la nourriture, mais les besoins dépassent largement l’aide disponible.
Les prix flambent : le sac de farine de maïs, autrefois vendu à 35 000 francs congolais, se négocie désormais à plus de 70 000.

« Avant, je faisais du commerce de haricots. Aujourd’hui, je vends des allumettes au détail. Ce que je gagne ne nourrit même pas mes deux enfants », raconte Aline Kavugho, 29 ans, rencontrée au rond-point Signers.

Dans plusieurs quartiers, les pancartes « À louer » se multiplient. Les maisons restent vides faute de locataires, conséquence directe de la fuite des habitants.

« Sur l’avenue Bukavu, il y a au moins quinze maisons vacantes. C’est triste de voir un quartier se vider ainsi », observe Justin Bahizi, un maçon devenu gardien d’immeuble depuis l’effondrement du secteur du bâtiment.

Une crise aux multiples visages

Au-delà de la pauvreté, c’est une détresse morale qui s’installe. Les enfants déscolarisés traînent dans les rues, les jeunes diplômés sombrent dans le chômage, et les femmes portent désormais le poids économique et émotionnel des familles.

« Je dors à peine. Chaque nuit, j’ai peur qu’on vienne nous dire de partir encore. Mes enfants me demandent pourquoi papa ne rentre pas, je n’ai pas de réponse », confie Mado Nsimire, déplacée de Kibumba, aujourd’hui hébergée à Ndosho.

Dans les écoles encore ouvertes, les enseignants constatent l’impact psychologique du conflit sur les plus jeunes.

« Certains élèves ne parlent plus. D’autres pleurent sans raison. Ils ont vu des choses qu’aucun enfant ne devrait voir », explique Jean-Paul Kahindo, instituteur à l’école primaire Buhene II.

Un cri d’alarme pour la paix

Face à la dégradation continue de la situation, la population de Goma appelle désespérément à la paix. Les promesses politiques et diplomatiques se succèdent, mais sur le terrain, les familles continuent de payer le prix fort.

« On ne demande pas grand-chose, seulement de vivre en paix, de dormir sans craindre les bombes et de voir nos enfants retourner à l’école », implore Pascaline Bahati, vendeuse de fruits à Katindo.

Pendant que les négociations stagnent, Goma retient son souffle. Entre espoir et résignation, les habitants rêvent simplement d’un lendemain sans guerre, d’un foyer reconstruit et d’un pays réconcilié avec lui-même.

Diddy MASTAKI

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