Alors que la communauté célèbre la Journée internationale de la femme rurale, dans l’Est de la République Démocratique du Congo, cette date résonne comme un rappel douloureux pour des milliers de femmes qui ne peuvent plus accéder à leurs terres.
Dans la province du Nord-Kivu, la chute de plusieurs localités entre les mains du M23 et la prolifération des groupes d’autodéfense dits Wazalendo ont rendu les champs jadis sources de vie presque inaccessibles.
Depuis Sake, Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, ainsi que les villes de Goma et Bukavu, les combats se multiplient, forçant les populations à fuir. Les routes rurales sont coupées, les collines autrefois verdoyantes sont désormais zones militaires. Dans ce chaos, les femmes rurales, véritables piliers de l’économie vivrière, paient un lourd tribut.
Des champs devenus champs de guerre
À Goma, où des milliers de déplacés ont été de nouveau chassés par la guerre en janvier dernier, Mélanie Bahati, 42 ans, originaire de Kibumba, raconte sa détresse : « Mon champ de pommes de terre est resté là-bas. Nous avons cultivé dans le domaine près notre camps de fortune. J’y allais chaque matin avec mes enfants. Aujourd’hui, si tu t’en approches, tu risques ta vie. Il y a des combats et des hommes armés partout. On vit maintenant de la charité ».
Comme elle, de nombreuses femmes se retrouvent confinées dans les quartiers périphériques de Goma, sans revenus, dépendantes de l’aide humanitaire ou de petits commerces de survie.
Aline Bora, déplacée de Kitshanga, se souvient encore du jour où tout a basculé : « On entendait les tirs depuis longtemps, mais on espérait que ça s’arrêterait. Un matin, les Wazalendo et les rebelles se sont affrontés près de nos champs. On a tout laissé. Je n’ai plus rien, même pas une houe ».
Une agriculture paralysée, une province fragilisée
Selon les organisations locales, plus de 70 % des femmes rurales du Nord-Kivu ne peuvent plus accéder à leurs terres depuis le début de l’année. L’insécurité croissante, les déplacements forcés et la militarisation des zones rurales ont provoqué un effondrement de la production agricole, entraînant une hausse alarmante du prix des denrées à Goma et dans les environs.
Malgré cette situation dramatique, les autorités locales appellent à renforcer l’assistance humanitaire et à soutenir les coopératives féminines déplacées. Mais sur le terrain, l’urgence reste la même : retrouver la paix pour que ces femmes puissent retourner à ce qui est, pour elles, bien plus qu’un champ : une raison de vivre.
Diddy MASTAKI

